Honorables Députés ;
Honorables Sénateurs ;
Excellence Madame la Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde de Sceaux ;
Excellence Monsieur le Ministre des Droits Humains ;
Excellence Monsieur le Ministre de Communication et Médias, Porte-Parole du Gouvernement ;
Excellence Madame la Ministre Déléguée en charge des personnes vulnérables ;
Monsieur le Coordonnateur de la CCM ;
Monsieur le Coordonnateur de l’APLC ;
Monsieur le Chargé des Missions du Président de la République ;
Messieurs les Procureurs Généraux de Kinshasa Gombe et Matete ;
Monsieur l’Inspecteur Général de l’Inspection Générale des Finances, Chef de Service ;
Monsieur le Secrétaire Exécutif de la CENAREF ;
Monsieur les Bourgmestres de Communes de la Ville de Kinshasa ;
Mesdames et Messieurs les responsables des ONGDH et Mouvements citoyens ;
Mesdames et Messieurs les Responsables des organes de presse ici représentés ;
Mesdames et Messieurs, Distingués invités en vos titres et qualités respectifs.

Au nom de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), qui commémore ce jour ses dix ans d’existence, je suis particulièrement heureux de vous accueillir dans ce cadre somptueux de la salle SHOWBUZZ de Kinshasa. Votre présence distinguée et nombreuse constitue un témoignage de ce que l’ACAJ, loin des stéréotypes, peut continuer à bénéficier de votre accompagnement dans l’apostolat qu’elle s’est assignée depuis une dizaine d’années au service du bien-être collectif.

Soyez infiniment remerciés pour cette marque de confiance et de soutien qui vient en écho du préambule de notre Constitution qui considère que l’injustice avec ses corollaires, l’impunité, le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme, par leurs multiples vicissitudes, sont à l’origine de l’inversion générale des valeurs et de la ruine du pays et par conséquent annihilent notre volonté commune de bâtir, au coeur de l’Afrique, un Etat de droit et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle.

Honorables ;
Excellences ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués Invités.

Défendre l’homme partout et sans cesse, est un devoir sacré. Oui, l’homme, ses droits, sa liberté et sa dignité.
C’est le choix qu’a fait, à Lubumbashi, dans la Province du Haut-Katanga, il y’ a de cela dix ans, un groupe de jeunes juristes en décidant de créer l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) ce, dans un environnement politico-institutionnel versé dans la criminalisation de l’exercice des libertés publiques.

C’est ici l’occasion pour moi de saluer chaleureusement toutes mes soeurs et tous mes frères présents dans cette salle qui, avec un courage exemplaire, consacrent leur vie à ce combat de chaque jour et de toujours, souvent nourrie d’épreuves et de souffrances parfois fatales.

Tel a été malheureusement le triste sort réservé à notre regretté Floribert CHEBEYA BAHIZIRE, un des pionniers des ONGDH en RD Congo, et à son compagnon Fidèle BAZANA, fauchés sauvagement par les disciples de l’intolérance et de la pensée unique.
Pour que pareil crime ne se reproduise dans notre pays et au regard de témoignages et éléments nouveaux enregistrés, l’ACAJ en appelle vivement à la réouverture, sans délai, du procès pour la manifestation de la vérité qui permettrait enfin aux familles éplorées de réaliser sereinement le travail du deuil.

En mémoire de ces vaillants défenseurs des droits humains tués en plein exercice de leur sacerdoce, j’invite très respectueusement l’assistance à observer une minute de silence.

Honorables ;
Excellences ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués Invités.

En cette année anniversaire, je voudrais aussi rendre un hommage particulier et fraternel à tous les compagnons de l’ACAJ. Oui, ces femmes et ces hommes de valeur ont tenu, tiennent et tiendront davantage à ce que les Droits de l’Homme soient pour le Congo un guide pour la politique des gouvernants, un phare pour l’espoir des Congolais.

Les anniversaires ne valent que s’ils constituent des ponts jetés vers l’avenir en vue de continuer à réveiller les consciences et à dessiner de nouveaux chemins. Ce qui importe, c’est de réfléchir continuellement ensemble sur les Droits de l’Homme tels qu’ils doivent avancer et progresser, de renforcer le socle humaniste sur lequel nous voulons bâtir le Congo d’aujourd’hui et de demain.

La défense des Droits de l’Homme est un combat qui nous concerne tous. L’un des tout premiers codes de lois de l’histoire de l’humanité, le code d’Hammourabi, commençait, il y a de cela plus de 3800 ans , par ces mots : “J’ai établi ce code de lois pour la protection du faible devant le fort”. L’ACAJ en a fait son credo depuis dix ans.

Mais que de luttes, d’efforts et de sacrifices ont été nécessaires pour faire admettre dans notre pays l’idée que chacun, sans considération d’origine ou de sexe, est titulaire de droits imprescriptibles. Des droits qui sont une part de notre humanité. Des droits auxquels on ne peut porter atteinte sans porter atteinte à l’essence même de l’homme.

Ce combat de plusieurs années aux côtés d’autres organisations soeurs, porte des modestes mais, importants fruits. S’ils ne sont pas encore devenus réalité pour tous, beaucoup s’en faut, les Droits de l’Homme constituent désormais une aspiration nationale.

Pour autant, soyons lucides. Les principes proclamés par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme sont encore bafoués. Trop souvent, des citoyens sont réduits au silence. La liberté d’expression est violée. L’administration de la justice souvent arbitraire et plusieurs de ses décisions ne sont pas exécutées à cause de multiples trafics d’influence politique qui persistent. Des guerres et des conflits armés font rage.

Dans un tel environnement où le combat pour les droits de l’être humain est toujours d’une violente actualité, vous vous posez la question légitime de savoir quelle a été la contribution de l’ACAJ aux fins de s’assurer que les principes posés par la Déclaration universelle des droits de l’homme sont non seulement universels, mais également indivisibles et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés par la Constitution de la RD Congo.

En effet, les droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels, forment un tout indivisible. Par ailleurs, chacun sait que la pauvreté, le sous-développement sont des mauvais terreaux pour les libertés essentielles. La misère, qui touche encore plus d’un congolais constitue en elle-même une atteinte inacceptable à la dignité humaine. Comment peut-on parler des droits de l’homme alors que le plus imprescriptible, le droit de manger à sa faim, par exemple, reste inaccessible pour plusieurs familles congolaises?

Nonobstant cela, en dix ans l’ACAJ, à l’instar d’une fillette qui aspire à l’adolescence, a abattu un travail appréciable dont les traits essentiels peuvent sommairement être déclinés comme suit :

Plusieurs formations à l’intention des hommes, des femmes, des jeunes filles et jeunes garçons sur les droits de l’homme, la démocratie, l’Etat de droit, la bonne gouvernance, la lutte contre les violences basées sur le genre, l’impunité des crimes graves et la lutte contre la corruption sous toutes ses formes ;

  • Plusieurs missions de plaidoyer aux niveaux provincial, national et international en vue de contribuer à la consolidation de la démocratie, de la protection des droits de l’homme ainsi que de la lutte contre l’impunité ;
  • L’ACAJ a organisé et participé à des nombreuses campagnes de mobilisation pour le retour de la paix en RD Congo ainsi qu’à la ratification des instruments juridiques régionaux, internationaux et nationaux de protection des droits de l’homme ;
  • Elle a assuré la défense de plusieurs victimes de violation des droits de l’homme dont les opposants politiques, les membres des ONG de la société civile et des mouvements citoyens…etc.

Bien sûr, l’oeuvre à accomplir reste immense. Notre priorité est claire : c’est la ratification par la RD Congo et l’application réelle des conventions existantes en matière de protection des droits de l’homme.

Nous ne réussirons ni par la contrainte, ni bien sûr en nous érigeant en donneurs de leçons. La condamnation, la dénonciation sont nécessaires. Mais c’est aussi par le dialogue, fût-il critique, que nous progresserons.

Nous avancerons d’autant plus vite que nous saurons mieux prendre en compte la diversité de notre pays laquelle doit se nourrir d’une déclinaison des principes essentiels qui exprime la richesse de la Nation congolaise.

Mais, pour affirmer davantage notre diversité, nous avons besoin d’une construction nationale plus solide et plus homogène. Pour ce faire, les Organisations Non Gouvernementales (ONG), que nous sommes, devrions rester mobilisées et parler d’une voix crédible pour que les institutions étatiques et/ou les partenaires bi ou multilatéraux relayent notre action.

Honorables ;
Excellences ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués Invités.

Défendre les Droits de l’Homme, c’est agir résolument en faveur des plus faibles et des plus vulnérables. Le combat pour la dignité et les libertés doit s’accompagner d’une politique active de lutte contre l’exclusion. Car, il n’est pas admissible que, dans un pays dont les ressources présentées comme croissantes, l’écart ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres.

Il est donc urgent que le Gouvernement de la République se mobilise, comme il le fait déjà, sous l’autorité du Président de la République, pour faire progresser avec les Organisations Non Gouvernementales des Droits de l’Homme (ONGDH) l’humanisme auquel aspire le peuple congolais parce que rien n’est jamais acquis, et qu’en la matière, ne pas avancer, c’est reculer.

Honorables ;
Excellences ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués Invités.

Que signifierait la liberté, alors qu’il existe dans notre pays des zones de non-droit, où certaines libertés élémentaires, celle d’aller et de venir à sa guise, celle d’exercer en paix son métier, celle de voir ses biens protégés, ne sont pas assurées ? Des zones où la violence et l’exploitation illicite des ressources naturelles se développent et gagnent du terrain. Il nous faut réinventer une grille pertinente de lecture pour la situation des Droits de l’Homme en RD Congo.

Qu’en est-il par exemple de la liberté quand la présomption d’innocence, pourtant inscrite dans notre Charte fondamentale est quotidiennement bafouée ? Combien de compatriotes, aujourd’hui poursuivis ou même emprisonnés, en attente de leur procès, seront-ils reconnus innocents par des décisions qui n’effaceront pas les immenses préjudices subis dans leur être et dans leur vie familiale ? Rétablir le principe de la présomption d’innocence devrait être l’un des piliers essentiels de la réforme de notre appareil judiciaire.

Qu’en est-il de la fraternité et de sa traduction moderne, la solidarité, quand cette autre forme de discrimination, le rejet de l’autre, se diffuse insidieusement et s’insinue dans le débat public ? Le tribalisme actuellement relancé par certains esprits politiques mesquins est un fléau qui s’attaque aux fondements mêmes de notre société.

Bien sûr, les Congolais ne sont pas et n’ont jamais été un peuple tribaliste. Ils l’ont amplement démontré par le passé. La tentation du tribalisme, les fantasmes xénophobes se nourrissent notamment de la peur de l’avenir, de l’inquiétude face à des changements que l’on ne maîtrise pas. Dès lors, il revient à l’Etat de prendre en compte ces craintes, et d’y répondre. Il revient à l’ensemble du corps politique ainsi que social, de rester vigilant et dénoncer publiquement tous les discours d’appel à la haine tribale, ethnique, et aux meurtres. En matière de discours séparatiste, l’intransigeance doit être la règle. Il n’y a pas d’accommodement possible lorsque la tolérance, le respect de l’autre, la dignité humaine sont en jeu.

A l’âge de l’information, les réseaux de communications permettent de mieux comprendre l’autre, dans sa différence, dans sa complexité, dans son humanité. Ils doivent faire progresser la fraternité, la tolérance et le respect mutuel. Positives lorsqu’elles placent l’homme au coeur de leur fonctionnement, ces technologies ne sont pas sans grands dangers. Par contre, utilisées comme lieux d’expression de messages séparatistes et autres attentatoires à la dignité humaine, elles deviennent sources potentielles de fracture sociale.

Le développement pose aussi la question du respect de la vie privée et de la liberté de chacun. Alors que s’élaborent des fichiers de plus en plus sophistiqués, des méthodes d’investigation de plus en plus efficaces, il est nécessaire d’assurer la confidentialité des données personnelles, de prévenir les atteintes à la liberté individuelle et de garantir la protection des enfants et ainsi soustraire notre jeunesse des égarements constatés récemment à Kinshasa, à l’occasion de la divulgation des images obscènes et choquantes pour nos moeurs.

Sans entraver la libre diffusion de l’information et les échanges entre les hommes, le moment me semble venu pour le Gouvernement, à travers les Ministères compétents, de fixer des règles du jeu pour préserver la société de toutes ces dérives.

Honorables ;
Excellences ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués Invités.

Permettez-moi de saisir l’opportunité que m’offre le dixième anniversaire de l’ACAJ pour rappeler, contrairement à ce qui est généralement distillé dans l’opinion, que les ONGDH ne sont pas des ennemies, encore moins des opposants à un quelconque système politique ou social. Elles sont tout simplement des porte-voix des sans voix. Elles ont néanmoins la capacité d’être audibles auprès des décideurs et ainsi obtenir d’eux la satisfaction des besoins du plus grand nombre.

Le rôle de l’ACAJ et d’autres organisations soeurs est essentiellement de nourrir le contrôle citoyen sur la gestion de la chose publique et d’en dénoncer les dérives telles que la corruption, la concussion, le détournement des deniers publics, le blanchiment des capitaux et autres travers contraires à la bonne gouvernance, qui impliquent la violation des droits fondamentaux de l’homme. Donc, notre mission consiste à lancer des alertes en vue d’attirer l’attention des décideurs sur des agissements contraires aux engagements vis-à-vis de leur serment. Nous sommes des intermédiaires, encore mieux des relais sociaux nécessaires entre les gouvernants et les gouvernés.

Excellences ;
Mesdames et Messieurs ;
Distingués Invités.

Un anniversaire n’est pas seulement un moment fort où s’accomplit le devoir de mémoire. Sa célébration nous engage et nous oblige.

Le combat pour les Droits de l’Homme est un combat magnifique, exigeant, pour lequel certains perdent la vie ou la liberté, nous devons le mener ensemble, avec l’appui du peuple. Car la pression des citoyens, la puissance de l’opinion publique sont les armes les plus efficaces contre la violation des droits de l’homme.

La Déclaration de 1948 a donné aux hommes l’instrument dont ils ont besoin pour dire quelle est la Loi à ceux qui la bafouent. Manifestation d’une conscience universelle, elle place le droit au-dessus des Etats et l’homme au coeur du politique. Elle est le socle d’un Etat de droit qui est la soumission de l’Etat à la loi, et la garantie par l’Etat du respect de cette loi. De la sorte, nous serons dignes du renouveau congolais qu’il nous revient de réinventer, pour que puissent exister désormais des citoyens Congolais, libres et égaux.

Puisse le Dieu Tout-puissant continuer à illuminer de ses bienfaits le sillage tracé par l’ACAJ et toutes les ONGDH de la RD Congo.

Je vous remercie de votre particulière attention.